Pour certains, le colonel Theoneste Bagosora était, reste et restera l’instigateur du génocide de plus d’un million de tutsis en 1994. Et c’est toujours en détention que la mort l’a pris, ce samedi 25 septembre, dans sa prison Bamako au Mali.
« RIP papa », lisait-on aujourd’hui sur le compte Facebook d’Achille Bagosora, le fils du colonel Theoneste Bagosora, l’un des détenus du Mécanisme des tribunaux pénaux internationaux (MTPI), à la prison de Koulikoro au Mali, condamné pour le génocide contre les tutsis en 1994.
Et plus tard dans la journée, M. Olivier Nduhungirehe, l’ambassadeur du Rwanda au royaume des Pays Bas, siège du Mécanisme des Tribunaux pénaux internationaux pour le TPIR et le TPIY, écrivait sur son compte Twitter: « Connu comme le cerveau du génocide contre le tutsis ou le prophète de l’apocalypse, le colonel Theoneste Bagosora est décédé aujourd’hui au mali où il purgeait une peine de 35 ans pour génocide ».
Le site de ce mécanisme onusien est resté muet sur la mort de celui que le Rwanda considère comme « le cerveau du génocide », « le prophète de l’apocalypse ». Dans les méandres de l’ancien Tribunal pénal international pour le Rwanda, certains le considéraient même comme le « Himmler rwandais » pour avoir été « au cœur du complot », qui visait « l’élimination totale ou partielle du groupe ethnique tutsi du Rwanda », selon l’ancien procureur Chile Eboe-Osuji. C’est en référence, au général allemand Heinrich_Himmler qualifié par certains de « meurtrier du siècle », pour son rôle dans le génocide des juifs.
« Il avait pris la place de Dieu !»
En avril 2021, il avait été débouté dans sa requête pour une libération anticipée, dans une décision prise par le juge Carmel Agius, après avoir estimé que ce détenu faisait toujours montre d’attitudes propres à minimiser les crimes commis en 1994. Aussi avait-il déclaré dans le communiqué du verdict que « Bagosora n’offre aucune indication qu’il a accepté la responsabilité des crimes pour lesquels il a été condamné, et il n’y a aucun signe qu’il ait réfléchi de manière critique ou exprimé des remords ou des regrets ». Et de souligner, ipso facto, que la gravité extrêmement élevée des crimes commis par Bagosora pèse lourdement contre sa libération anticipée ».
A l’annonce de sa mort, Claude Turatsinze, un survivant des massacres des tutsis à l’est du Rwanda, n’a pas retenu son étonnement, comme quoi, de par son acte, Bagosora s’était posé en immortel. « Même si nous devons tous passer par la mort vers notre fin ultime, dit-il, je n’aurais jamais cru que Bagosora lui-même pourrait se le permettre. Lui, l’homme qui a préparé l’apocalypse? En 1994, il avait pris la place de Dieu ! »
Au cœur du génocide !
Recherché pour son rôle dans ce génocide, il a été arrêté le 9 mars 1996 au Cameroun. Il a été définitivement condamné à 35 ans de prison en 2011 par le TPIR. Pour le Rwanda, surtout les associations des rescapés du génocide, cette réduction de peine controversée est l’œuvre du juge Theodore Meron, alors président du MTPI, dans ses tentatives répétées de dédouaner les génocidaires.
En effet, le 18 décembre 2008, le colonel Bagosora avait été condamné à la prison à perpétuité pour les meurtres du Premier ministre Agathe Uwilingiyimana, du Président de la Cour constitutionnelle Joseph Kavaruganda, du ministre de l’Agriculture Frédéric Nzamurambaho, du ministre du Travail Landoald Ndasingwa, du ministre de l’Information Faustin Rucogoza, du directeur de la banque rwandaise du développement Augustin Maharangari, de dix casques bleus belges, d’Alphonse Kabiligi, de même que des crimes commis à divers barrages routiers dans la région de Kigali, ainsi que des meurtres ciblés perpétrés le 7 avril au matin dans la ville de Gisenyi. Il est innocenté du chef d’accusation d’entente en vue de commettre un génocide.
Vingt-sept ans après, Theoneste Bagosora est lui-même décédé « dans une clinique de Bamako », selon RFI, sans spécifier les causes de sa mort.
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Tanga igitekerezo